Texte d'invitation
Les architectes Bakker et Blanc ont conçu notre galerie en s’inspirant de l’idée de camera obscura, de chambre noire, en tant qu’elle symbolise l’action conjuguée de l’œil et de la conscience, la logique épistémique de l’associa- tion entre intuition, connaissance et expérience. Nous avons, pour notre part, envisagé notre galerie comme un paysage expérimental reflétant le paysage réel : celui de la scène artistique suisse du moment. L’artiste s’exprime en ces termes: «Pour moi, l’art fait partie de la nature, c’est une lutte pour la survie, c’est soigner le corps et l’esprit, rassembler des forces et être libre, trouver le calme intérieurement et extérieurement, lâcher prise, accepter, laisser émerger des images, donner forme au monde environnant, être dans la nature, être reconnaissant, savoir donner quand ça vient. Mon imaginaire, c’est tout cela». Ses tableaux sont sobres, mais tout sauf naïfs ; ils vont du figuratif à l’expres- sif avec, souvent, de riches fonds ornementaux. Ils procèdent d’un langage des profondeurs émanant directement des eaux souterraines de l’inconscient, que l’artiste transpose avec bras et mains – prolongements directs du sys- tème nerveux – dans sa propre esthétique. Aucun autre genre artistique ne possède cette authenticité intrinsèque dans l’accès aux éléments préverbaux de la cognition humaine. En une condensation ludique de styles et de conte- nus, l’artiste propose, avec une maîtrise qui déjoue tous les obstacles, une image de la vie qui, pour une fois, ne se limite pas à véhiculer sous forme codée des connaissances, mais qui édifie et réconforte. Du grand art. Beat Selz, 28 juin 2021 (traduction: Léo Biétry) Le Quotidien Jurassien, 10 juin 2017 (Extrait de l’article) Quand apparurent les premières oeuvres d’Esther-Lisette Ganz sur la scène artistique biennoise, au début des années 1970, le public, partagé entre andmiration et perplexité, crut y reconnaître une expression naïve. Il es vrai qu’à l’époque, l’artiste dessinait et peignait en les stylisant des chats plus gros que les arbres et les maisons entre lesquels ils faufilaient, des éléphants rouges à la trompe fleurie et d’autres scènes d’une poésie immédiate, qui n’auraient pas détonné dans un livre pour enfants. Mais les recherches techniques, la diversité de l’écriture picturale et des thèmes, d’inspiration plus spirituelle que populaire, allaient rapidement distinguer l’oeuvre de l’art naïf. Une peinture inclassable, aus accents surréalistes, qui relève du monde du rêve et de l’inconscient. L’oeuvre est en partie figurative, mais ce qu’elle représente n’est attaché à la réalité que par des évocations, des symboles, des métaphores. Monde onirique, déroutant, peuplé de personnages réjouis et dansants, mi-homme mi-divinité, avec leurs têtes couronnées, leur semblant d’ailes, le dédoublement de leurs corps et leur façon de défier les lois de la perspective et de la pesanteur. Les lois de la nature n’y résistent pas davantage, à l’image de cette tête humaine dressée comme une excroissance sur l’échine d’un chien, de cet homme-papillon ou de cet autre chien à pois roses, semblable à la robe de la fille qui le tient en laisse. Esther-Lisette commence chaque toile à partir d’une impulsion, puis s’en remet à l’enchaînement de ses idées et de ses rêves, élabore l’oeuvre couche après couche, la modifie en cours de travail Une création purement intuitive, puisant dans l’inconscient autant que l’ont fait les surréalistes. Avec un filtre peut-être: toutes les peintures sont empreintes d’un optimisme triomphant, comme si le monde réel n’existait pas. Jean-Pierre Girod Esther-Lisette Ganz - Exposition du 1er au 29 juin 2003 Sa peinture est figurative, sur des fonds riches et décoratifs. Esther-Lisette Ganz suit son chemin hors des sentiers battus, des modes et des codes, en travaillant dans son propre territoire. C’est-à-dire qu’elle se situe là où l’âme refuse de devenir étrangère à elle-même, pour rester dans la Terre promise où le sujet et l’objet ne font qu’un, et où l’eau peut se transformer en vin. Ici opère la magie de l’imaginaire. Alors que la pensée sommeille, les âmes restent entières. « Réfléchissons à ce que cela signifierait pour nous d’être libéré de nos liens et de nos devoirs, d’être délivré de nos illusions, si toutefois une chose pareille pouvait exister, ne serions-nous pas plus proches du réel? » (Catherine Lambert, Catalogue de l’exposition de Francis Alÿs, »The Prophet and the Fly«, Kunsthaus Zürich, 2003). Les images sont simples, mais tout sauf naïves. Ce sont des empreintes venues des profondeurs, surgies directement des eaux souterraines de l’inconscient. Elles appellent à la contemplation, jetant un pont vers la méditation sans image, hors du temps. Et entre l‘observateur et la peintre se crée le lien de l‘intuition et d’une mémoire commune qui se souvient d’une forme d’existence où la vie n’était pas à ce point soumise au pouvoir et à l’argent. Les personnages de ces peintures s’étonnent de la blessure humaine, elles s’étonnent de voir l’être primordial divisé en deux, elles se demandent ce que cherchent les humains véritablement. Et autour d’eux gravitent des émotions qui dépassent la logique réductrice de l’argumentation analytique. L’allégorie agit à travers l’esthétique, à travers l’imprévisible et le mystère. Celui ou celle qui regarde n’a pas besoin de comprendre ce qu’il faut voir. Ces images transportent leur propre réalité non masquée par des figures facilement lisibles de signification évidente. Sans emphase, elles nous rappellent le fait que notre vie civilisée ne peut être réduit aux seuls moyens qui la sous-tendent. Au-delà du calcul de ces moyens, l’être humain cherche un dessein, ou des desseins auxquels ces moyens doivent servir. De toute évidence, richesse et travail ne sont pas des fins en soi. En dépit de l’air du temps qui est au puritanisme, osons rappeler une fois de plus ce savoir millénaire de l’humanité (qui s’exprimait déjà dans les peintures rupestres). Dans la préface de son testament littéraire, Georges Bataille a nommé ces desseins primordiaux de l’homme : Trouver »La réponse au désir érotique – ainsi qu’au désir, peut-être plus humain (moins physique), de la poésie, et de l’exstase (mais de l’érotisme à la poésie, ou de l’érotisme à l’exstase, la différence est-elle décidément saisissable ?) – Les Larmes d’Eros, 1961). Madame Ganz n’utilise pas le langage direct de Georges Bataille. Elle explore un lieu de poésie silencieuse, que frôle tout au plus un érotisme voilé, sans parler d’extase. Mais il faut tenir compte de cette dimension, si l’on admet que cette œuvre riche ne se contente pas de nous montrer des personnages de contes de fées, mais nous présente des allégories de la condition humaine. Beat Selz (Traduction Yla von Dach) ( Mai 2003 ) |
Esther-Lisette Ganz
|
Pour moi, l’art fait part de la nature, lutte pour l’existence, soigner le corps et l’esprit, collecter des forces, avoir de la force et de la liberté, trouver la paix à l’intérieur ainsi que à l’exterieur, lâcher prise, accepter, former des images, façonner l’environnement, être dans la nature, avoir la liberté, être reconnaissant, pouvoir donner, quand il est approprié. Tout cela se réunit dans image.
Esther-Lisette Ganz
Esther-Lisette Ganz - Exposition du 1er au 29 juin 2003
Sa peinture est figurative, sur des fonds riches et décoratifs. Esther-Lisette Ganz suit son chemin hors des sentiers battus, des modes et des codes, en travaillant dans son propre territoire. C’est-à-dire qu’elle se situe là où l’âme refuse de devenir étrangère à elle-même, pour rester dans la Terre promise où le sujet et l’objet ne font qu’un, et où l’eau peut se transformer en vin. Ici opère la magie de l’imaginaire. Alors que la pensée sommeille, les âmes restent entières. « Réfléchissons à ce que cela signifierait pour nous d’être libéré de nos liens et de nos devoirs, d’être délivré de nos illusions, si toutefois une chose pareille pouvait exister, ne serions-nous pas plus proches du réel? » (Catherine Lambert, Catalogue de l’exposition de Francis Alÿs, »The Prophet and the Fly«, Kunsthaus Zürich, 2003).
Les images sont simples, mais tout sauf naïves. Ce sont des empreintes venues des profondeurs, surgies directement des eaux souterraines de l’inconscient. Elles appellent à la contemplation, jetant un pont vers la méditation sans image, hors du temps. Et entre l‘observateur et la peintre se crée le lien de l‘intuition et d’une mémoire commune qui se souvient d’une forme d’existence où la vie n’était pas à ce point soumise au pouvoir et à l’argent. Les personnages de ces peintures s’étonnent de la blessure humaine, elles s’étonnent de voir l’être primordial divisé en deux, elles se demandent ce que cherchent les humains véritablement. Et autour d’eux gravitent des émotions qui dépassent la logique réductrice de l’argumentation analytique.
L’allégorie agit à travers l’esthétique, à travers l’imprévisible et le mystère. Celui ou celle qui regarde n’a pas besoin de comprendre ce qu’il faut voir. Ces images transportent leur propre réalité non masquée par des figures facilement lisibles de signification évidente. Sans emphase, elles nous rappellent le fait que notre vie civilisée ne peut être réduit aux seuls moyens qui la sous-tendent. Au-delà du calcul de ces moyens, l’être humain cherche un dessein, ou des desseins auxquels ces moyens doivent servir. De toute évidence, richesse et travail ne sont pas des fins en soi. En dépit de l’air du temps qui est au puritanisme, osons rappeler une fois de plus ce savoir millénaire de l’humanité (qui s’exprimait déjà dans les peintures rupestres). Dans la préface de son testament littéraire, Georges Bataille a nommé ces desseins primordiaux de l’homme : Trouver »La réponse au désir érotique – ainsi qu’au désir, peut-être plus humain (moins physique), de la poésie, et de l’exstase (mais de l’érotisme à la poésie, ou de l’érotisme à l’exstase, la différence est-elle décidément saisissable ?) – Les Larmes d’Eros, 1961).
Madame Ganz n’utilise pas le langage direct de Georges Bataille. Elle explore un lieu de poésie silencieuse, que frôle tout au plus un érotisme voilé, sans parler d’extase. Mais il faut tenir compte de cette dimension, si l’on admet que cette œuvre riche ne se contente pas de nous montrer des personnages de contes de fées, mais nous présente des allégories de la condition humaine.
Beat Selz ( Traduction Yla von Dach )
( Mai 2003 )
Le journal du Jura, 6. juin 2003
PERREFITTE - Esther-Lisette Ganz
Un monde atypique
Imaginez un monde mystérieux, où le rêve et la pureté seraient les éléments majeurs. SELZ art contemporain propose d’en capter quelques bribes au travers des œuvres atypiques d’Esther-Lisette Ganz.
Née à Ipsach en 1950, Esther-Lisette Ganz est depuis longtemps dans le milieu artistique, puisqu’à 20 ans à peine, elle officiait déjà comme graphiste auprès de la Croix-Rouge suisse. C’est peut-être ces deux années passées au sein de l’organisation caritative qui ont formé son regard très humaniste. L’art, pour cette Tramelote d’adoption, est plus qu’une simple philosophie. Il est, pour cette timide quinquagénaire, une source d’énergie lui permettant de faire vivre son esprit de liberté et de trouver une certaine paix intérieure.
Son oeuvre très surprenante se compose donc de peintures, de collages et de dessins presque surnaturels, où l’homme et l’animal occupent une large place. Les formes humaines, très stéréotypées, égarent parfois le spectateur dans un monde proche de celui du génial Keith Haring. Pourtant, Esther-Lisette Ganz se défend de toute influence. Malgré cela, le contemplateur y trouvera une multitude d’interprétations et de mondes parallèles mystérieux. Il pourra aussi se perdre dans des fonds picturaux puissants, un peu mystiques, aux couleurs vives, contrastant avec des formes humaines ou animales parfois un brin pâle, comme si l’homme et la bête devaient s’effacer face à leur environnement.
Certains y verront aussi des figures angéliques, presque byzantines, accompagnées d’animaux stylisés à la manière des dieux égyptiens. D’autres, plus prosaїques, concluront à une peinture un peu naїve. Ces derniers seront alors bien à côté de leur sujet, car les thèmes abordés, provenant des tréfonds les plus reculés de l’inconscient de l’artiste, s’inscrivent plus dans une démarche instinctive où chaque élément est pensée rigoureusement.
Quoi qu’il en soit, l’artiste a trouvé là son propre langage, atypique, dans lequel la nature est dénaturée, les formes sont simplifiées à l’extrême et le réel côtoie l’irréel. Le spectateur pourra alors se perdre dans ce que l’on pourrait appeler un palimpseste moderne, au sein duquel les éléments se chevauchent sans s’asphyxier et tout en gardant leur propre histoire, ils en recréent une autre plus fantastique et sibylline. (jhe) Bieler Tablatt, «Kultur», Mittwoch, 11.Juni 2003
Bieler Tablatt, «Kultur», Mittwoch, 11.Juni 2003
Esther-Lisette Ganz: AUSSTELLUNG BEI BEAT SELZ
Wer zaubern kann hat zwei Leben
Zuweilen wird die Bildwelt von Esther-Lisette Ganz als naiv bezeichnet. Wer sich näher damit beschäftigt, merkt: Das ist falsch. Gelegenheit zur Vertiefung bietet die Galerie Selz in Perrefitte bei Moutier.
Azw. Esther-Lisette Ganz lebt in einer der Lofts der vom Zürcher Architekten Hannes Strebel ausserordentlich umgebauten «Record Watch» in Tramelan. Sie liebt die Kargheit und den Freiraum des abgelegenen Juras. Als Malerin gehört die in Ipsach aufgewachsene jedoch seit eh und je zur Kunstszene Biels. Und mit Jahrgang 1950 zu jener Generation von Frauen, die sich in den 70er Jahren persönliche Welten schufen, um ihrem Aufbruch zu neuer weiblicher Identität Bild zu geben. Schon 1972 stellte die Absolventin der Bieler Schule für Gestaltung erstmals im «Ring 5» in Biel aus. Wie viele ihrer Genossinnen wurde Esther-Lisette Ganz nie überregional bekannt; zu viele Steine lagen für die Künstlerinnen dieser Generation im Weg. Den gesellschaftlichen Hintergrund mitzudenken, kann jedoch Schlüssel für die Auseinandersetzung mit Ganz’ Schaffen sein. Im Zentrum steht die «Königin» - eine von den Unannehmlichkeiten der Realität befreite, nur als körperhafte Kontur lebende Figur. Ihre Erscheinung ist weiblich, aber trotz ihrer Nacktheit nach aussen kaum geschlechtlich. Die als bedeutsame Zeichen gesetzten Brüste wirken oft wie künstlich aufgepfropft. Doch was die Ganz- und Halbfiguren, neben ihrem «magischen» Blick fast immer bei sich haben, ist ein «Zauberstab» - sei es eine blinkende (getupfte) Kette um den Hals, ein federähnlicher Kopfschmuck oder auch nur «fremd»-farbige Haut.
In der «Geburt» - ein Bild von 2003 – zum Beispiel ist es blaue Farbe bis zur Hüfte, die sich in den Armen zum Ring schliesst. Der Zauber, so hat man den Eindruck, hat die Kraft, die fleischliche Realität aufzuheben und die gedachte, erträumte, erfühlte sichtbar werden zu lassen. So sind die kahlköpfigen Königinnen wie feinstoffliche Projektionen weiblilcher, das Männliche zuweilen miteinschliessender Ich-Körper. «Bei sich sein» zum Beispiel schliesst den Ring um eine Doppelfigur, männlich-weiblich.
In der von Bakker&Blanc mitten im Dorf Perrefitte bei Moutier neu erbauten Galerie von Beat Selz zeigt Esther-Lisette Ganz Acrylbilder, Aquarell-Mischtechniken und Tusch-Zeichnungen aus den letzten vier Jahren. Sie deklinieren sich gegenseitig. Das heisst, was in den Acrylbildern auf Zeichenhaftigkeit komprimiert und in einen entfremdeten Aggregats-zustand gerückt ist, erscheint in den kleinen Farbblättern als wandelbare Sammlung von Form- und Ausdrucksideen und in den Zeichnungen als (erotischer) Tanz. Es ist gut, sie miteinander zu sehen, die eine Ebene in die andere zu drehen.
Weg zur Transparenz
Vergleicht man ein Hochformat von 1999, das die junge «Königin» auf rotem Grund schreitend zeigt, mit einigen Arbeiten dieses Jahres, so wird spürbar, dass die Künstlerin nach mehr Transparenz sucht, Körperliches und Hintergründiges abstrakter ineinander überführen möchte. Noch ist dies nicht immer gelungen, doch eindrücklich sind zum Beispiel vier auf Jura-Landkarten gemalte Papierarbeiten, in welchen die Figuren nur noch Lineaturen sind, fast körperlos sich selbst denken.
Esther-Lisette Ganz
Esther-Lisette Ganz - Exposition du 1er au 29 juin 2003
Sa peinture est figurative, sur des fonds riches et décoratifs. Esther-Lisette Ganz suit son chemin hors des sentiers battus, des modes et des codes, en travaillant dans son propre territoire. C’est-à-dire qu’elle se situe là où l’âme refuse de devenir étrangère à elle-même, pour rester dans la Terre promise où le sujet et l’objet ne font qu’un, et où l’eau peut se transformer en vin. Ici opère la magie de l’imaginaire. Alors que la pensée sommeille, les âmes restent entières. « Réfléchissons à ce que cela signifierait pour nous d’être libéré de nos liens et de nos devoirs, d’être délivré de nos illusions, si toutefois une chose pareille pouvait exister, ne serions-nous pas plus proches du réel? » (Catherine Lambert, Catalogue de l’exposition de Francis Alÿs, »The Prophet and the Fly«, Kunsthaus Zürich, 2003).
Les images sont simples, mais tout sauf naïves. Ce sont des empreintes venues des profondeurs, surgies directement des eaux souterraines de l’inconscient. Elles appellent à la contemplation, jetant un pont vers la méditation sans image, hors du temps. Et entre l‘observateur et la peintre se crée le lien de l‘intuition et d’une mémoire commune qui se souvient d’une forme d’existence où la vie n’était pas à ce point soumise au pouvoir et à l’argent. Les personnages de ces peintures s’étonnent de la blessure humaine, elles s’étonnent de voir l’être primordial divisé en deux, elles se demandent ce que cherchent les humains véritablement. Et autour d’eux gravitent des émotions qui dépassent la logique réductrice de l’argumentation analytique.
L’allégorie agit à travers l’esthétique, à travers l’imprévisible et le mystère. Celui ou celle qui regarde n’a pas besoin de comprendre ce qu’il faut voir. Ces images transportent leur propre réalité non masquée par des figures facilement lisibles de signification évidente. Sans emphase, elles nous rappellent le fait que notre vie civilisée ne peut être réduit aux seuls moyens qui la sous-tendent. Au-delà du calcul de ces moyens, l’être humain cherche un dessein, ou des desseins auxquels ces moyens doivent servir. De toute évidence, richesse et travail ne sont pas des fins en soi. En dépit de l’air du temps qui est au puritanisme, osons rappeler une fois de plus ce savoir millénaire de l’humanité (qui s’exprimait déjà dans les peintures rupestres). Dans la préface de son testament littéraire, Georges Bataille a nommé ces desseins primordiaux de l’homme : Trouver »La réponse au désir érotique – ainsi qu’au désir, peut-être plus humain (moins physique), de la poésie, et de l’exstase (mais de l’érotisme à la poésie, ou de l’érotisme à l’exstase, la différence est-elle décidément saisissable ?) – Les Larmes d’Eros, 1961).
Madame Ganz n’utilise pas le langage direct de Georges Bataille. Elle explore un lieu de poésie silencieuse, que frôle tout au plus un érotisme voilé, sans parler d’extase. Mais il faut tenir compte de cette dimension, si l’on admet que cette œuvre riche ne se contente pas de nous montrer des personnages de contes de fées, mais nous présente des allégories de la condition humaine.
Beat Selz ( Traduction Yla von Dach )
( Mai 2003 )
Le journal du Jura, 6. juin 2003
PERREFITTE - Esther-Lisette Ganz
Un monde atypique
Imaginez un monde mystérieux, où le rêve et la pureté seraient les éléments majeurs. SELZ art contemporain propose d’en capter quelques bribes au travers des œuvres atypiques d’Esther-Lisette Ganz.
Née à Ipsach en 1950, Esther-Lisette Ganz est depuis longtemps dans le milieu artistique, puisqu’à 20 ans à peine, elle officiait déjà comme graphiste auprès de la Croix-Rouge suisse. C’est peut-être ces deux années passées au sein de l’organisation caritative qui ont formé son regard très humaniste. L’art, pour cette Tramelote d’adoption, est plus qu’une simple philosophie. Il est, pour cette timide quinquagénaire, une source d’énergie lui permettant de faire vivre son esprit de liberté et de trouver une certaine paix intérieure.
Son oeuvre très surprenante se compose donc de peintures, de collages et de dessins presque surnaturels, où l’homme et l’animal occupent une large place. Les formes humaines, très stéréotypées, égarent parfois le spectateur dans un monde proche de celui du génial Keith Haring. Pourtant, Esther-Lisette Ganz se défend de toute influence. Malgré cela, le contemplateur y trouvera une multitude d’interprétations et de mondes parallèles mystérieux. Il pourra aussi se perdre dans des fonds picturaux puissants, un peu mystiques, aux couleurs vives, contrastant avec des formes humaines ou animales parfois un brin pâle, comme si l’homme et la bête devaient s’effacer face à leur environnement.
Certains y verront aussi des figures angéliques, presque byzantines, accompagnées d’animaux stylisés à la manière des dieux égyptiens. D’autres, plus prosaїques, concluront à une peinture un peu naїve. Ces derniers seront alors bien à côté de leur sujet, car les thèmes abordés, provenant des tréfonds les plus reculés de l’inconscient de l’artiste, s’inscrivent plus dans une démarche instinctive où chaque élément est pensée rigoureusement.
Quoi qu’il en soit, l’artiste a trouvé là son propre langage, atypique, dans lequel la nature est dénaturée, les formes sont simplifiées à l’extrême et le réel côtoie l’irréel. Le spectateur pourra alors se perdre dans ce que l’on pourrait appeler un palimpseste moderne, au sein duquel les éléments se chevauchent sans s’asphyxier et tout en gardant leur propre histoire, ils en recréent une autre plus fantastique et sibylline. (jhe) Bieler Tablatt, «Kultur», Mittwoch, 11.Juni 2003
Bieler Tablatt, «Kultur», Mittwoch, 11.Juni 2003
Esther-Lisette Ganz: AUSSTELLUNG BEI BEAT SELZ
Wer zaubern kann hat zwei Leben
Zuweilen wird die Bildwelt von Esther-Lisette Ganz als naiv bezeichnet. Wer sich näher damit beschäftigt, merkt: Das ist falsch. Gelegenheit zur Vertiefung bietet die Galerie Selz in Perrefitte bei Moutier.
Azw. Esther-Lisette Ganz lebt in einer der Lofts der vom Zürcher Architekten Hannes Strebel ausserordentlich umgebauten «Record Watch» in Tramelan. Sie liebt die Kargheit und den Freiraum des abgelegenen Juras. Als Malerin gehört die in Ipsach aufgewachsene jedoch seit eh und je zur Kunstszene Biels. Und mit Jahrgang 1950 zu jener Generation von Frauen, die sich in den 70er Jahren persönliche Welten schufen, um ihrem Aufbruch zu neuer weiblicher Identität Bild zu geben. Schon 1972 stellte die Absolventin der Bieler Schule für Gestaltung erstmals im «Ring 5» in Biel aus. Wie viele ihrer Genossinnen wurde Esther-Lisette Ganz nie überregional bekannt; zu viele Steine lagen für die Künstlerinnen dieser Generation im Weg. Den gesellschaftlichen Hintergrund mitzudenken, kann jedoch Schlüssel für die Auseinandersetzung mit Ganz’ Schaffen sein. Im Zentrum steht die «Königin» - eine von den Unannehmlichkeiten der Realität befreite, nur als körperhafte Kontur lebende Figur. Ihre Erscheinung ist weiblich, aber trotz ihrer Nacktheit nach aussen kaum geschlechtlich. Die als bedeutsame Zeichen gesetzten Brüste wirken oft wie künstlich aufgepfropft. Doch was die Ganz- und Halbfiguren, neben ihrem «magischen» Blick fast immer bei sich haben, ist ein «Zauberstab» - sei es eine blinkende (getupfte) Kette um den Hals, ein federähnlicher Kopfschmuck oder auch nur «fremd»-farbige Haut.
In der «Geburt» - ein Bild von 2003 – zum Beispiel ist es blaue Farbe bis zur Hüfte, die sich in den Armen zum Ring schliesst. Der Zauber, so hat man den Eindruck, hat die Kraft, die fleischliche Realität aufzuheben und die gedachte, erträumte, erfühlte sichtbar werden zu lassen. So sind die kahlköpfigen Königinnen wie feinstoffliche Projektionen weiblilcher, das Männliche zuweilen miteinschliessender Ich-Körper. «Bei sich sein» zum Beispiel schliesst den Ring um eine Doppelfigur, männlich-weiblich.
In der von Bakker&Blanc mitten im Dorf Perrefitte bei Moutier neu erbauten Galerie von Beat Selz zeigt Esther-Lisette Ganz Acrylbilder, Aquarell-Mischtechniken und Tusch-Zeichnungen aus den letzten vier Jahren. Sie deklinieren sich gegenseitig. Das heisst, was in den Acrylbildern auf Zeichenhaftigkeit komprimiert und in einen entfremdeten Aggregats-zustand gerückt ist, erscheint in den kleinen Farbblättern als wandelbare Sammlung von Form- und Ausdrucksideen und in den Zeichnungen als (erotischer) Tanz. Es ist gut, sie miteinander zu sehen, die eine Ebene in die andere zu drehen.
Weg zur Transparenz
Vergleicht man ein Hochformat von 1999, das die junge «Königin» auf rotem Grund schreitend zeigt, mit einigen Arbeiten dieses Jahres, so wird spürbar, dass die Künstlerin nach mehr Transparenz sucht, Körperliches und Hintergründiges abstrakter ineinander überführen möchte. Noch ist dies nicht immer gelungen, doch eindrücklich sind zum Beispiel vier auf Jura-Landkarten gemalte Papierarbeiten, in welchen die Figuren nur noch Lineaturen sind, fast körperlos sich selbst denken.